Le transhumanisme est un concept « discuté » particulièrement à la mode aujourd’hui. Il fait rêver certains et provoque l’effroi chez d’autres. Certains l’évoquent à voix basse, presque comme un secret honteux ou une folie, alors que d’autres, le claironnent à qui veut bien l’entendre en parlant de révolution en marche… Quoi qu’il en soit, cette idée presque totalement inconnue en France, il y a 5 ans, intéresse de plus en plus de gens, et dans tous les cas, ne laisse pas indifférent.
Le transhumanisme est une idée déjà ancienne, née dans les années 1950 aux Etats Unis, à partir d’un constat : le biologique (cellules, tissus, organisme) est faible, fragile et en plus, conduit à la maladie et à la mort. Il faut donc s’en affranchir grâce aux technologies, et en particulier, grâce aux biotechnologies (nanotechnologies, cellules souches…). L’objectif du transhumanisme est donc dans un premier temps de réparer « techniquement » l’être humain, voire de l’améliorer, puis de dépasser le stade de l’organisation biologique, pour arriver au post-humain, stade caractérisé par des capacités nettement supérieures aux capacités actuelles de l’être humain.
Ces réflexions sur l’amélioration des capacités biologiques de l’humain s’accompagnent dans le mouvement transhumaniste de multiples réflexions sur l’humanité, sur son organisation et son devenir aboutissant à des courants parfois très divergents. Mais ce n’est que dans les années 1980, sous l’influence de prospectivistes américains tels que Ray Kurzweil que le mouvement transhumaniste va se structurer. L’essor du transhumanisme après les années 1980 est principalement lié au développement des techniques qu’elles soient informatiques ou biologiques (cellules souches…) qui permirent aux théoriciens et partisans de ce mouvement d’avoir enfin un support sérieux à leurs théories.
Mais c’est surtout depuis quelques années que ce mouvement connaît un renfort de poids avec le soutien du géant américain Google qui est devenu un important financeur du mouvement transhumaniste. L’ambition des dirigeants américains du géant de l’internet est de vaincre la mort comme le titrait le magazine « Time » de septembre 2013 : « Can Google solve death ? The search giant is launching a venture to extend the humain lifespan. That would be crazy, if it weren’t Google” (Est-ce que Google peut résoudre la mort ? Le géant de la recherche sur internet lance une opération d’extension de la longévité. Cela serait fou, si cela n’était pas Google ! ». C’est dans la droite ligne que se trouve la création de l’entreprise Calico par Google, comme un défi à la mort.
Pour Ray Kurzweil, devenu directeur de l’ingénierie chez Google, dans 15 ans environ, les humains seront devenus des hybrides, des cyborgs dont l’intelligence sera dans le cloud. Il a révélé dans une conférence à New York que nos cerveaux pourront se connecter au cloud, où des milliers de serveurs nous aideront à accroître notre intelligence. Pour y arriver, il faudra compter sur des « nanobots », des robots miniaturisés à l’extrême composés à partir d’ADN. Dès lors, « notre pensée sera une hybridation de pensée biologique et non biologique », a-t-il prédit. En expliquant ensuite que plus gros et complexe serait le cloud, plus avancée serait notre forme de pensée. Toujours d’après Ray Kurzweil, ce sont là des améliorations qui encourageront l’humanité à se tourner de plus en plus vers le nuage pour augmenter son potentiel de réflexion. A tel point qu’à la fin des années 2030 ou au début des années 2040, notre pensée sera majoritairement non biologique. « Nous allons graduellement fusionner et nous améliorer », continuait-il. « Selon moi, c’est la nature humaine, nous transcendons nos limites ». Le danger à mon sens de cette vision est que nous y perdrons tout simplement notre humanité.
Mais Google n’est pas la seule entité à soutenir le transhumanisme ou tout du moins son objectif : l’immortalité humaine. De nombreux milliardaires dans le monde souhaitent également faire partie de cette aventure qui ne peut que séduire le cœur des hommes. Qui ne souhaiterait vivre très longtemps en bonne santé ?
Une fausse bonne idée ?
En fait, le transhumanisme, partant d’une idée intéressante, peut aboutir à une sorte de perversion de l’humanité. Mais le transhumanisme est également une caricature des processus de pensée américains. On fonce tête baissée dans l’inconnu, sans se poser les vraies questions, comme un enfant dans un jeu de guerre sur PC ou console. On n’a pas peur d’imaginer tout son être transféré dans une machine, dont la maintenance régulière, permettra l’immortalité. Avez-vous réellement envie d’être une sorte de cyborg ? Avez-vous envie d’être connecté en permanence à Google ? Ne dites pas que c’est une caricature. Google ne cache pas ses intentions : tout le monde connecté en permanence. Nous ne sommes plus surveillés par un Big Brother. Nous sommes Big Brother. Nous pensons tous en même temps, dans le même « nuage »… sous la dominance de Google et / ou de ses « frères ».
Le fantasme est tel, qu’on en oublie toutes les réalités : d’où viendra l’énergie, qui fera la maintenance, qui dirigera tout cela, avec un fort relent de dictature absolue. Mais peut-être est-ce là le but final ?
On en oublie la nature humaine, sa fragilité, mais également sa force et sa générosité. On en oublie, et c’est presque amusant de la part des transhumanistes, que la technologie la plus évoluée au monde, et pour longtemps, est biologique. De nombreuses équipes scientifiques travaillent sur l’extraordinaire capacité de stockage des gènes qui est bien supérieure à tout ce que l’on peut imaginer en technologie informatique. La technologie biologique, dont nous sommes faits, est très nettement supérieure à la simple technologie que nous connaissons.
Il existe également une autre motivation sous-jacente au Transhumanisme : L’idée de s’affranchir de la complexité du biologique avec sa dépendance au médical, vers le technique pur, maîtrisé par des ingénieurs et des techniciens.
Améliorer l’humain, corriger ses défauts :
Pour ceux qui ne s’imaginent pas vivre le reste de leur vie sous forme de machine, aussi évoluée soit-elle, il existe une autre vision : le longévisme. Celui-ci part d’un constat différent. Toutes les solutions pour allonger la vie en bonne santé sont dans le biologique, encore faut-il les trouver et les développer. Le longévisme cherche à améliorer l’homme en corrigeant de façon individualisée les anomalies apparaissant dans l’organisme au cours de son vieillissement. Il ne s’agit pas de transformer l’être humain en « autre chose », ni de faire appel à des technologies extra biologiques, mais de corriger les imperfections et dysfonctionnements à la base du vieillissement. Le vieillissement étant ensuite l’un des principaux vecteurs de la maladie, qui lorsqu’elle survient aggrave le vieillissement. Les technologies les plus sophistiquées sont utilisées pour mieux comprendre les dysfonctionnements de l’organisme et les corriger le plus tôt possible pour éviter cette auto-dégradation conduisant à la maladie. La médecine régénérative a une place importante dans cette stratégie de lutte. Le longévisme fait confiance à l’homme et le transhumanisme cherche à terme un autre support à l’humanité. J’ai à titre personnel la conviction que les solutions à une augmentation considérable de notre espérance de vie sont dans nous-mêmes et nous travaillons tous les jours dans mon Institut à les révéler.