Nous avons tous observé les différences qui peuvent exister entre l’âge apparent d’un individu et son âge chronologique (déterminé à partir de sa date de naissance). L’âge chronologique, en effet, ne reflète qu’en partie notre vieillissement personnel. Il devenait donc indispensable d’être plus discriminatif et de mieux appréhender notre statut organique réel en trouvant une autre référence. Cette évidence a depuis longtemps intéressé de nombreux chercheurs, principalement aux États-Unis et au Japon. Les principales études sur l’âge biologique ont été faites par Heron et Chown (1967), Dirken (1972), Siegler (1978), Shock (1980), Costa et McCrae (1980) et Dean (1988). Nous avons, dans notre structure à Paris, une expérience unique en Europe, dans ce domaine.
L’âge physiologique ou âge fonctionnel ou âge biologique reflète l’état physiologique ou fonctionnel exact de l’individu. Cet âge physiologique peut d’ailleurs correspondre à l’âge chronologique de la personne. Mais il est habituel de rencontrer des gens qui ne font pas du tout leur âge. Ils font soit plus jeune, soit plus vieux, et parfois même beaucoup plus vieux que leur âge. Il apparaît que ces gens sont effectivement physiologiquement plus âgés que ne le voudrait leur âge chronologique.
L’âge physiologique est un marqueur indispensable pour mesurer les effets à court, moyen ou long terme d’agents potentiellement efficaces sur le processus du vieillissement. Il n’y a que quelques centres dans le monde aujourd’hui capables de donner une estimation de l’âge physiologique d’un individu. Notre centre est l’un de ceux-là.
Le dépistage et la prévention représentent un autre aspect de la mesure de l’âge physiologique. En effet, la mise en évidence d’un vieillissement précoce pourra conduire à l’instauration d’une prise en charge adaptée. Dans la mesure où la démographie des seniors va en progressant, que l’augmentation de l’espérance de vie ne fait que renforcer cette tendance, la détermination de l’âge physiologique, avec son corollaire de prise en charge, ne peut que contribuer à lutter contre la survenue des pertes d’autonomie, si redoutables pour l’individu et coûteuses pour la société. Certains régimes d’assurances et de prévoyances y sont déjà sensibles.
La mesure de l’âge physiologique doit devenir une véritable priorité, car, actuellement, les médecins spécialisés dans le vieillissement n’ont aucun mode d’évaluation objectif de leurs actions à court, moyen et long terme. Ils ont d’ailleurs fait l’objet de nombreuses critiques à ce sujet de leurs confrères, car ils sont les seuls scientifiques à ne pas avoir les moyens de mesurer leurs actions. En l’absence de moyens précis et fiables pour mesurer le vieillissement, il faudrait attendre quarante ou cinquante ans pour déterminer l’efficacité ou non de certains programmes ou de certaines molécules permettant de lutter contre le vieillissement. Dans ces conditions, les informations apportées par de tels programmes ne pourraient jamais bénéficier à nos contemporains.
Les critères de choix de paramètres de mesure de l’âge biologique sont multiples. Ils doivent se modifier avec l’âge ; être représentatifs d’une ou plusieurs fonctions physiologiques ; être suffisamment sensibles pour détecter de légères modifications de l’état fonctionnel ; être non traumatiques et sans danger pour l’individu ; avoir des résultats reproductibles ; mesurer une fonction importante ; ne pas être redondants ; être susceptibles d’influencer le rythme du vieillissement. L’ensemble de ces tests doit fournir une image globale de l’état de santé de l’individu et servir de base pour prédire sa santé future de même que sa durée de vie. Ce choix est souvent rendu difficile par la nécessité de tenir compte des coûts et des moyens disponibles.
L’âge physiologique doit donc permettre de décrire l’état physiologique d’un individu à chaque stade de son vieillissement chronologique, permettre d’étudier des populations particulières, vérifier l’efficacité de certains traitements, médicaments, exercices ou régimes, et prédire le maintien ou la perte de la compétence physiologique, afin de déterminer l’incidence des maladies et d’évaluer l’espérance de vie.
Enfin, l’étude des cellules prélevées sur l’organisme même et leur culture en milieu artificiel (in vitro) est un autre paramètre prometteur pouvant à terme venir enrichir l’évaluation de l’âge physiologique. Le fibroblaste humain est un bon candidat pour ce type d’étude. Il s’agit alors d’une approche cellulaire du vieillissement, et l’on peut commencer à parler d’âge cellulaire.
Il ne faut pas confondre mesure de l’âge physiologique et dépistage sanitaire. De très nombreux protocoles ont été proposés dans le cadre du dépistage sanitaire. Tous sont controversés, que cela soit dans leurs contenus ou leurs périodicités. L’American Medical Association Council on Scientific Affair recommande pour les gens âgés de plus de 40 ans un examen tous les un à trois ans, en fonction de l’histoire médicale du patient et de ses facteurs de risques. Mais ce qui peut être vrai pour un dépistage sanitaire de masse devient largement insuffisant dans le cadre d’un programme anti-vieillissement. Un tel programme nécessite en effet un bilan quasiment exhaustif de l’individu au moment de sa prise en charge. La périodicité des examens doit ensuite tenir compte des résultats du bilan et de l’évolution de l’état de santé du patient. Une périodicité de un à trois ans en fonction des résultats de l’évaluation de base (permettant de déterminer l’âge physiologique) paraît tout à fait souhaitable. Il s’agit donc d’un processus éminemment personnel.
À titre d’exemple, le cholestérol total et le ldl (light density lipoprotein) cholestérol sont d’excellents bio-marqueurs de l’atteinte vasculaire. L’obésité est corrélée avec certains cancers, certaines maladies cardio-vasculaires, et avec la réduction de l’espérance de vie. L’obésité abdominale est la plus nocive (c’est un facteur de risque considérable pour l’artériosclérose et le diabète). On peut apprécier ce paramètre en mesurant le périmètre abdominal et celui des hanches. Si le rapport est supérieur à 1,8 pour les hommes et 1,1 pour les femmes, le risque cardio-vasculaire est augmenté. Mais il existe aujourd’hui des techniques bien plus modernes et infiniment plus précises pour apprécier votre obésité abdominale (mesure de la composition corporelle). La pression artérielle, et en particulier la pression artérielle systolique, doit rester inférieure à 140. La fréquence cardiaque est influencée par l’entraînement physique. La moyenne est de 72 battements par minute. Une personne physique en bonne santé devrait avoir une fréquence cardiaque d’environ 60 battements par minute. La mesure de la consommation maximum d’oxygène à l’effort ou VO2 max est un excellent reflet de notre état cardio-vasculaire et respiratoire. La capacité vitale forcée est la quantité d’air que nous pouvons inspirer et expirer rapidement en une inspiration très profonde. Elle s’apprécie grâce à un spiromètre. Elle reflète l’intégrité de l’ensemble du système respiratoire (les muscles de la poitrine, du diaphragme, le contrôle du système nerveux central et l’élasticité de nos poumons). Cet examen s’est révélé comme étant le meilleur test prédictif de l’espérance de vie dans l’étude de Framingham. L’audition commence à diminuer vers l’âge de 30 ans. À 20 ans, on perçoit un son (8 000 Hz) à 18 dB ; à 60 ou 70 ans, il faut monter à 50 ou 80 dB. L’apparition d’auto-anticorps (facteur rhumatoïde et anti-adn) est un élément péjoratif sur l’espérance de vie. La glycémie est un bon indicateur de la restriction calorique. Un régime bien suivi doit aboutir à une diminution de la glycémie plasmatique. Un excès de sucre dans le sang peut favoriser la mise en place de liaisons entre sucres et protéines, sucres et adn : la glycosylation. Celle-ci fait l’objet d’une théorie du vieillissement. Enfin, l’appui monopodal est un test simple qui consiste à pouvoir rester debout, sur une jambe (l’autre étant relevée), les yeux fermés : c’est un excellent test de l’intégrité de l’oreille interne, des systèmes neurologiques centraux et périphériques, et de l’état musculaire et ostéo-tendineux. Un adulte de 20 ans peut rester en équilibre presque indéfiniment, un adulte de 50 ans environ 10 secondes, un adulte de 30 ans environ 25 secondes, et une personne de 80 ans ne peut tenir l’équilibre. Les résultats obtenus à ces différents tests doivent ensuite être rapportés à des tables de références permettant de déterminer avec précision l’âge physiologique de la personne.